Programme RénoRégion : l’heure de corriger deux ans d’injustice

LA VOIX DES LECTEURS / En 2019, la Société d’habitation du Québec (SHQ) coupait près de 40 % du budget du programme RénoRégion pour financer le programme AccèsLogis. Ainsi, pour répondre aux besoins des grandes villes, on a retranché 7,6 des 20 M$ de RénoRégion, un programme s’adressant aux personnes démunies des régions rurales.


La Fédération québécoise des municipalités (FQM) dénonce cette injustice depuis maintenant deux ans. J’ai de nouveau souligné l’importance de ce programme lors de ma récente rencontre avec le ministre des Finances du Québec dans le cadre des consultations prébudgétaires 2021. Il n’est par ailleurs pas inutile de rappeler que les HLM n’existent pas dans nos communautés rurales, et que ce programme est probablement l’intervention la moins coûteuse en matière d’habitation pour améliorer les conditions de vie des citoyens en leur permettant d’effectuer des travaux cruciaux sur leur habitation.

RénoRégion fait l’objet de frustration de la part des MRC bénéficiaires depuis maintenant quelques années. La réduction significative de l’enveloppe en 2019 n’a rien fait pour réduire ce sentiment. Souffrant déjà d’un sous-financement chronique et d’une mauvaise allocation des sommes, il apparaît plus que légitime de remettre en question les décisions de la SHQ dans ce dossier. D’autant plus que RénoRégion constitue le seul programme à avoir vu son budget réduit malgré les accords avec le fédéral sur l’habitation.

Des retards qui coupent les ailes aux MRC

La SHQ a aussi fait preuve d’indolence récurrente concernant la méthode d’allocation des sommes. Un des critères utilisés se réfère aux montants investis l’année précédente et ne fait donc pas référence aux besoins réels du milieu. Les budgets qui n’ont pu être dépensés, en raison de retards divers et incontrôlables dans la réalisation de travaux, sont retranchés l’année suivante. Ainsi, une MRC dont les besoins dépassent déjà largement l’enveloppe disponible ne peut conserver les sommes pour aider les citoyens dans le besoin. Par conséquent, elle verra chaque année s’allonger davantage sa liste d’attente sans pouvoir répondre aux demandes qui s’accumulent. On punit donc ces MRC, et ce, même si elles ne sont en aucun cas responsables des délais qui s’étirent sans cesse.

La pauvreté prend souvent un visage différent en région, et il est inacceptable que les plus pauvres de nos territoires aient un accès moindre aux programmes d’habitation.

À titre d’exemple, la MRC de La Matapédia a vu son enveloppe diminuer de 58 % entre la fin de l’exercice 2018-2019 et le début de 2020-2021, malgré des demandes qui ne font que s’accroître. Pire encore, la MRC du Rocher-Percé a vu son montant alloué passer de 583 000 $ à 216 000 $ de 2018-2019 à 2020-2021, pour une diminution de 63 %. Cette coupure grimpe à 68 % si l’on compare le montant réellement attribué en fin d’année 2018-2019 à celui de 2020-2021.

Par ailleurs, le fait que la SHQ ne révise pas les normes du programme fait en sorte que les clientèles plus démunies de régions où les valeurs immobilières augmentent voient leur accès au programme coupé en raison de la valeur maximale imposée sur les bâtiments admissibles. Ainsi, ces personnes à faible revenu que l’on devrait pourtant aider à rester dans leur milieu sont pénalisées, à la fois par le marché et par des règles qui les empêchent d’avoir accès au programme. Au final, cette situation a généré une diminution importante du soutien aux citoyens parmi les plus vulnérables de nos territoires.

Revoir sans tarder les critères du programme RénoRégion

Sur deux ans, la coupure au programme RénoRégion équivaut à 15,2 M$. Ces montants ayant servi à financer le logement social principalement en milieu urbain, il est temps que ceux-ci reviennent aux gens les plus défavorisés des communautés rurales. La pauvreté prend souvent un visage différent en région, et il est inacceptable que les plus pauvres de nos territoires aient un accès moindre aux programmes d’habitation.

En somme, RénoRégion souffre de sous-financement, d’une méthode d’allocation inefficiente et exclut des personnes qui en ont besoin, et ironiquement à qui il s’adresse! Il faut donc rétablir l’enveloppe totale annuelle du programme à 20 M$, c’est-à-dire le montant qui avait cours avant 2019. Il faut également ajouter les 15,2 M$ perdus au cours des deux dernières années dès 2020-2021, en plus de toute somme nécessaire pour combler les besoins accumulés. La FQM propose finalement la création d’un comité avec la SHQ, afin de revoir les critères de répartition des sommes et d’admissibilité au programme.

Jacques Demers

Président de la Fédération québécoise des municipalités, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley et préfet de la MRC de Memphrémagog